🇲🇦-🇧🇪-🩺 Téléchirurgie : la chirurgie sans frontières

L’idée semblait folle il y a encore vingt ans : opérer un patient à des centaines de kilomètres, sans jamais franchir la porte du bloc opératoire.

Et pourtant, la réalité a peu à peu rejoint la fiction.

Des États-Unis au Maroc, de la Chine à la Belgique, la téléchirurgie s’affirme comme l’un des virages les plus prometteurs de la médecine moderne.

2000–2001 : quand tout a commencé

Le système Da Vinci, développé dans les années 1990 par la société américaine Intuitive Surgical, est officiellement autorisé pour un usage médical par la FDA en 2000.

Il combine bras robotiques articulés, vision 3D haute définition et console à distance permettant au chirurgien de contrôler précisément les instruments.

Il devient rapidement un outil incontournable de la chirurgie mini-invasive. Initialement pensé pour être utilisé au sein même du bloc opératoire, il n’avait pas été conçu pour opérer à longue distance.

Lors de la première téléchirurgie transatlantique, ce n’est pas ce système qui est utilisé.

Le 7 septembre 2001, une patiente est opérée à Strasbourg (France) tandis que le chirurgien se trouve à New York (USA).

L’opération, une ablation de la vésicule biliaire, est réalisée via le robot ZEUS, un autre système chirurgical conçu par Computer Motion, qui permet de manipuler à distance des instruments endoscopiques via commande vocale et console robotisée.

L’intervention marque la première téléchirurgie transatlantique de l’Histoire, connue sous le nom d’opération Lindbergh.

A suivi ensuite une longue pĂ©riode d’attente…

Malgré cet exploit, la téléchirurgie reste confinée aux démonstrations.

Les coûts élevés, la latence trop importante des réseaux, l’absence d’assurance et la fragilité des infrastructures freinent toute application à grande échelle.

En revanche, la chirurgie robot-assistée se développe.

Le système Da Vinci s’implante progressivement dans les hôpitaux du monde entier pour des actes locaux, notamment en urologie, gynécologie et chirurgie digestive.

Enfin, la technologie a permis que le geste chirurgical prenne de la distance

En effet, au début des années 2020, la donne change .

La 5G, les réseaux fibrés redondants, et les satellites basse orbite (LEO) sont arrivés et ont permis que la latence passe sous les 100 ms, seuil critique pour un geste chirurgical réactif et sûr.

Partout dans le monde, les exemples se multiplient alors. Ainsi, en 🇨🇳 Chine (2019) (chirurgie de la colonne vertĂ©brale Ă  3 000 km de distance via rĂ©seau 5G), en 🇮🇹 Italie (2020) (opĂ©ration urologique entre deux hĂ´pitaux interconnectĂ©s), en 🇮🇳 Inde (2022) (intervention cardiaque robotisĂ©e sur patient en zone montagneuse),…

Les patients opérés dans ces cas ont récupérés rapidement, avec moins de douleurs et moins de pertes sanguines.

🇲🇦 Le Maroc aussi entre dans l’histoire

Le 2 mai 2025, le Dr Adil Ouzzane, depuis la console du Centre international d’oncologie de Casablanca, retire à distance la prostate d’un patient opéré à Laâyoune, à plus de 1 100 km.

L’opération repose sur une double liaison fibre optique / faisceau hertzien, pilotée par une architecture SD-WAN. Le délai de transmission ne dépasse jamais 20 ms. L’intervention est un succès.

Cette première marocaine marque « le premier jalon d’une décentralisation maîtrisée des soins spécialisés » et montre comment les pays qui investissent dans les infrastructures numériques peuvent adopter ces technologies avancées au service d’une meilleure répartition des soins.

🇧🇪 La Belgique, elle, suit une progression méthodique vers la téléchirurgie

La Belgique n’en est pas Ă  son coup d’essai : plusieurs initiatives avaient permis de poser les bases avant l’aboutissement marquant de juin 2025, illustrant une montĂ©e en puissance progressive de la tĂ©lĂ©chirurgie dans le pays. Ainsi, en fĂ©vrier–mars 2025 : lors des Surgical AI & Telesurgery Days organisĂ©s Ă  Gand, des chirurgiens belges testent une tĂ©lĂ©-intervention simulĂ©e Ă  plus de 9 000 km sur une cuisse de poulet localisĂ©e Ă  Shanghai. L’objectif : vĂ©rifier la stabilitĂ© du signal et la prĂ©cision gestuelle grâce Ă  une latence infĂ©rieure Ă  100 ms.

Le 31 mai 2025,le Dr Geert Denayer, depuis Merelbeke, retire la prostate d’un patient situé à Alost.

C’est la première intervention humaine de téléchirurgie réalisée en Belgique.

Le 5 juin 2025, la Belgique poursuit dans cette voie en réalisant une double première médicale européenne.

Deux opérations distinctes sont menées à distance, le même jour mais de manière indépendante, entre les sites d’Alost et de Merelbeke-Melle, sur deux patients différents.

L’objectif était de démontrer la stabilité du système et sa capacité à être mobilisé dans des contextes variés : intervention urologique (prostate) & intervention gynécologique (utérus)

Grâce à une liaison à faible latence (20 ms), les actes sont un succès.

Moins de saignement, moins de douleurs, sortie rapide du patient.

D’autres hôpitaux belges comme l’UZ Gent et le CHU de Liège mènent des expériences de télésupervision chirurgicale, ou de simulation avec retour haptique (perception tactile transmise à distance), dans le cadre de projets européens.

Des avancées solides, mais encore quelques défis

La téléchirurgie n’est plus un rêve technologique : elle est désormais une réalité concrète, éprouvée dans plusieurs contextes cliniques.

Cependant, pour qu’elle puisse s’intégrer pleinement dans les systèmes de santé, quelques conditions importantes doivent encore être consolidées à savoir un cadre juridique clair, notamment en matière de responsabilité, des investissements lourds en réseaux et cybersécurité, une formation adaptée des équipes locales et surtout, une acceptabilité éthique et sociale renforcée.

Conclusion

La téléchirurgie repousse les frontières physiques de la médecine, en rapprochant l’expertise chirurgicale des patients, où qu’ils se trouvent.

Lorsque les conditions techniques sont réunies — réseau stable, robot performant, coordination humaine — les distances ne sont plus un obstacle aux soins spécialisés.

Encore faut-il que les infrastructures suivent.

Le défi n’est donc plus médical, mais structurel et organisationnel.

Une chose est certaine : les soins chirurgicaux de demain ne se déplaceront plus uniquement vers les grandes cliniques. Ils iront là où le patient est.

📚 Sources : Operation Lindbergh – Wikipedia, China’s first remote brain surgery using 5G – South China Morning Post, Remote robot-assisted surgery in Italy – Medgadget, India’s first remote cardiac surgery – The Hindu, Da Vinci Surgical System – Intuitive Surgical, Une première au Maroc: une opĂ©ration de tĂ©lĂ©chirurgie rĂ©ussie entre Casablanca et Laayoune, Double première mĂ©dicale europĂ©enne pour la Belgique | Focus on Belgium,

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