🇧🇪-«Dans la maison», un documentaire de la Belgo-marocaine Karima Saïdi sur l’Alzheimer

Réalisé par la Belgo-marocaine Karima Saïdi, le documentaire «Dans la maison» a été projeté en avant-première, jeudi à Bruxelles au Cinéma Palace. En Belgique, il sortira en salles le 23 juin, tandis qu’une diffusion est prévue en juillet sur la RTBF, puis sur 2M à une date ultérieure, puisque la chaîne marocaine a participé à la coproduction du film. Prix spécial du jury du festival Millenium à Bruxelles.

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« Dans la maison » est un film intimiste sur une facette de l’histoire de l’immigration marocaine en Belgique, contĂ©e par une mère et sa fille qui se retrouvent après des annĂ©es de sĂ©paration. Mais c’est aussi un documentaire sur la mĂ©moire, celle qui s’obscurcit au terme d’une vie, celle qui inverse alors les rĂ´les entre un parent et son enfant, jusqu’à les libĂ©rer d’un passĂ© douloureux…Ă€ travers le parcours singulier de sa mère AĂŻcha qui a quittĂ© son pays natal en 1967 pour s’installer Ă  Bruxelles, Karima SaĂŻdi nous raconte un pan de l’histoire de l’immigration marocaine en Belgique. De la vie dans une ruelle de Tanger jusqu’à un appartement bruxellois. « Dans la maison » dĂ©voile progressivement une existence faite de mariages, de sĂ©parations et de deuils qui, entre respect de la tradition et libĂ©ralisme fragile, dessinent par petites touches le portrait d’une mère de famille forte. Cette histoire, le film l’écrit d’abord Ă  l’aide de paroles Ă©changĂ©es entre la rĂ©alisatrice et sa mère durant les dernières semaines de vie d’AĂŻcha qui souffre de la maladie d’Alzheimer. Parfois, les mots murmurĂ©s sont Ă  peine audibles, parfois ils surgissent, comme s’ils avaient Ă©tĂ© retenus trop longtemps. Mais Ă  chaque phrase, ils nous permettent de dĂ©couvrir le parcours d’une femme dont les choix de vie, contraints ou volontaires, l’ont conduite Ă  affronter de multiples exils. Car « Dans la maison » raconte aussi les exils intĂ©rieurs, les Ă©carts Ă  soi et aux normes qu’une mère et sa fille ont intĂ©riorisĂ©es avant d’oser parfois les interroger, chacune Ă  leur rythme. Le rĂ©cit d’AĂŻcha est guidĂ© par les questions que se pose sa fille : comment vit une femme divorcĂ©e dans une communautĂ© marocaine des annĂ©es 1960 ? Pourquoi les femmes n’ont-elles pas le droit d’enterrer leurs frères ? Une Ă©pouse sait-elle guĂ©rir son mari ? Une fille peut-elle protĂ©ger sa mère malade ? En esquissant toutes ces interrogations, le documentaire de Karima SaĂŻdi dĂ©passe sa seule vocation historiographique d’un film sur l’immigration marocaine ; il opère un retour sur le cĹ“ur mĂŞme de la question de l’ « intĂ©gration » qui sous-tend les parcours de vie de la rĂ©alisatrice et de sa mère : comment vivre en paix avec soi-mĂŞme lorsque l’on est tiraillĂ© par tant d’interdits genrĂ©s imposĂ©s par la religion, la famille, la culture et l’histoire ? Cette question centrale dans le film, Karima SaĂŻdi la dĂ©cline aussi par des choix esthĂ©tiques radicaux. Ainsi, le visage d’AĂŻcha n’apparaĂ®t pour la première fois qu’après cinq minutes de film, sur une photo presque floue qui exprime toute la difficultĂ© de filmer une mère malade sans impudeur. Et ce n’est qu’au terme d’une heure qu’elle devient image en mouvement, nous adressant alors un regard camĂ©ra hagard qui, entre abĂ®me et luciditĂ© perçante, dit toute une vie et sa fin proche. Autour des portraits, essentiellement photographiques, gravitent une multitude de photos et des vidĂ©os tirĂ©es des archives familiales. Par leurs Ă©changes qui agissent comme des commentaires en off, AĂŻcha et Karima rĂ©vèlent progressivement tous les non-dits de ces souvenirs en images, tout ce qu’ils tentent de masquer mais qu’ils trahissent pourtant : la sĂ©paration des hommes et des femmes, les sourires qu’on ne peut plus forcer quand on est « l’exilĂ©e », « la divorcĂ©e », « la veuve ». Mais « Dans la maison » ne cède jamais Ă  la mĂ©lancolie, car les mots de Karima SaĂŻdi et de sa mère font aussi apparaĂ®tre peu Ă  peu la libertĂ© Ă©clatante de deux femmes qui ont dĂ©passĂ© les interdits, culturels, religieux et sociaux. En ce sens, le geste cinĂ©matographique qui fonde « Dans la maison » est rĂ©solument libĂ©ratoire. Car il traque et dĂ©joue, dans l’acte de filmer lui-mĂŞme, toutes les normes qui auraient dĂ», pourtant, rendre ce film impossible.Jeremy Hamers (novembre 2020)

Source : «Dans la maison», un documentaire de la Belgo-marocaine Karima Saïdi sur l’Alzheimer &  Dans la maison &  Karima Saïdi primée en Belgique pour son documentaire « Dans la maison »

 

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