L’arrĂȘt de la CJUE se justifie par le fait que les accords agricole et de pĂȘche entre le Maroc et l’UE de 2019 incluant le Sahara occidental sont invalidĂ©s en raison du « manque de consentement explicite du peuple sahraoui, pourtant essentiel pour leur validité ».
Pour le moment, cet arrĂȘt confirmant l’annulation des accords agricole et de pĂȘche entre le Maroc et l’UE est suspendu pour une durĂ©e de 12 mois pour des raisons de sĂ©curitĂ© juridique.
Dans cette affaire, le Maroc n’est pas impliquĂ© directement sur le plan juridique. Il s’agit d’une procĂ©dure engagĂ©e par le Polisario, Ă lâorigine de la requĂȘte, contre la Commission europĂ©enne.
Pour mieux comprendre cette décision, voici les réponses à quelques questions essentielles.
En quoi consiste lâaccord entre lâU.E et le Maroc faisant lâobjet des procĂ©dures judiciaires europĂ©ennes ?
Cet accord porte sur la modification des protocoles no 1 et no 4 de lâaccord euro-mĂ©diterranĂ©en Ă©tablissant une association entre lâU.E et le Maroc
Le Protocole n°1 est relatif aux conditions d’importation des produits agricoles, des produits agricoles transformĂ©s, du poisson et des produits de la pĂȘche du Maroc vers l’UE tandis que le Protocole n°4 rĂ©git les rĂšgles d’origine des produits Ă©changĂ©s dans le cadre de l’accord.
LâĂ©change de lettres en question visait Ă Ă©tendre lâapplication de ces protocoles Ă l’ensemble du territoire marocain, en ce compris le Sahara occidental.
La principale diffĂ©rence rĂ©side donc dans l’inclusion du Sahara occidental.
Cet accord devait permettre que les produits originaires du Sahara occidental bĂ©nĂ©ficient des mĂȘmes avantages tarifaires que ceux du reste du Maroc dans leurs Ă©changes avec l’Union europĂ©enne.
Mais, cette inclusion est un sujet de controverses, notamment du cÎté de certaines parties qui considÚrent le statut du Sahara occidental comme non résolu.
Pourquoi cet accord d’inclusion a t il Ă©tĂ© annulĂ© par lâarrĂȘt du Tribunal de lâUnion europĂ©enne du 29 septembre 2021 ?
L’accord d’inclusion du Sahara occidental a Ă©tĂ© annulĂ© pour plusieurs raisons principales liĂ©es au statut juridique et au consentement des populations concernĂ©es.
Le Tribunal a jugĂ© que l’extension des accords commerciaux Ă la rĂ©gion du Sahara occidental nĂ©cessitait le consentement explicite du peuple sahraoui.
Selon le droit international, le Sahara occidental est actuellement considéré comme un territoire non autonome en attente de décolonisation.
L’accord ne tenait pas compte de l’avis du peuple sahraoui, reprĂ©sentĂ© par le Front Polisario, qui conteste l’autoritĂ© du Maroc sur ce territoire.
Le Tribunal a réaffirmé que le Sahara occidental possÚde un statut distinct et séparé du Royaume du Maroc selon le droit international.
En consĂ©quence, il a estimĂ© que tout accord impliquant des ressources ou produits originaires de cette rĂ©gion devait ĂȘtre nĂ©gociĂ© en tenant compte de ce statut particulier.
En permettant l’application des avantages commerciaux au Sahara occidental sans le consentement de ses habitants, l’UE aurait contrevenu aux principes du droit international qui rĂ©gissent les relations Ă©conomiques avec des territoires non autonomes.
Ainsi, la Cour a confirmĂ© l’annulation des dĂ©cisions du Conseil de lâUE.
Toutefois, cette dĂ©cision n’interrompt pas immĂ©diatement les Ă©changes commerciaux, car les effets de lâannulation ont Ă©tĂ© suspendus pour laisser du temps aux parties de renĂ©gocier lâaccord.
Pourquoi lâUE sâest pourvue en annulation de la dĂ©cision d’annulation prĂ©citĂ©e ?
L’objectif de ce pourvoi Ă©tait de dĂ©fendre la validitĂ© de l’accord modifiĂ© avec le Maroc, en affirmant que l’UE avait le droit de conclure de tels accords incluant le Sahara occidental.
Le pourvoi introduit par lâUE visait Ă contester et Ă annuler la dĂ©cision du Tribunal de l’UE du 29 septembre 2021 qui avait annulĂ© l’accord Ă©tendant les prĂ©fĂ©rences commerciales au Sahara occidental.
Voici les points clés derriÚre ce pourvoi.
La Commission europĂ©enne et le Conseil de l’UE estimaient que l’accord commercial Ă©tait juridiquement valide et respectait les relations Ă©tablies entre l’UE et le Maroc, y compris pour le Sahara occidental.
Ils contestaient l’interprĂ©tation du Tribunal selon laquelle le consentement du peuple sahraoui, par l’intermĂ©diaire du Front Polisario, Ă©tait nĂ©cessaire.
Lâannulation de lâaccord risquait de compromettre les relations stratĂ©giques et commerciales entre l’UE et le Maroc.
L’inclusion du Sahara occidental dans lâaccord reprĂ©sentait un enjeu Ă©conomique important pour les Ă©changes commerciaux et les coopĂ©rations en matiĂšre agricole, de pĂȘche, et d’autres secteurs.
La Commission et le Conseil ont probablement aussi fait valoir que les consultations avec les populations locales avaient Ă©tĂ© menĂ©es et que ces dĂ©marches Ă©taient suffisantes pour considĂ©rer qu’un certain « consentement » avait Ă©tĂ© obtenu, mĂȘme s’il n’Ă©tait pas formellement reconnu par le Front Polisario.
Cependant, le Tribunal de l’UE, dans sa dĂ©cision initiale, avait insistĂ© sur le fait que les populations sahraouies, reprĂ©sentĂ©es par le Front Polisario, devaient ĂȘtre consultĂ©es et donner leur consentement explicite pour que les accords soient lĂ©gaux, en raison du statut contestĂ© du Sahara occidental.
Le pourvoi de la Commission europĂ©enne et du Conseil de lâUE reflĂ©tait donc une volontĂ© de maintenir l’accord tel qu’il avait Ă©tĂ© nĂ©gociĂ© avec le Maroc, tout en cherchant Ă invalider la dĂ©cision qui mettait en question son application au Sahara occidental.
Pourquoi ce pourvoi n’a-t-il pas abouti ?
Le pourvoi de la Commission europĂ©enne et du Conseil de l’Union europĂ©enne n’a pas abouti pour plusieurs raisons juridiques fondamentales liĂ©es au respect du droit international, au statut particulier du Sahara occidental, et Ă la nĂ©cessitĂ© du consentement explicite du peuple sahraoui.
Le Sahara occidental est considéré comme un territoire non autonome par les Nations Unies, en attente de décolonisation.
Le Tribunal de l’Union europĂ©enne a rappelĂ© que ce territoire possĂšde un statut distinct et sĂ©parĂ© du Royaume du Maroc.
En droit international, l’UE ne peut pas inclure un territoire dans un accord commercial sans tenir compte de son statut spĂ©cifique, mĂȘme si ce territoire est administrĂ© par un autre pays.
Le pourvoi nâa pas pu renverser cette reconnaissance fondamentale.
Lâun des principaux arguments du Tribunal de l’UE dans sa dĂ©cision initiale Ă©tait que le peuple sahraoui, reprĂ©sentĂ© par le Front Polisario, n’avait pas Ă©tĂ© consultĂ© et n’avait pas donnĂ© son consentement pour lâinclusion du Sahara occidental dans lâaccord commercial entre lâUE et le Maroc.
Le droit international exige que les peuples des territoires non autonomes aient leur mot Ă dire sur l’exploitation de leurs ressources naturelles.
Le pourvoi nâa pas rĂ©ussi Ă prouver que ce consentement avait Ă©tĂ© correctement obtenu.
Le Tribunal a Ă©galement estimĂ© que l’accord pourrait ĂȘtre prĂ©judiciable aux intĂ©rĂȘts du peuple sahraoui, en particulier en ce qui concerne lâexploitation des ressources naturelles du Sahara occidental (produits agricoles, pĂȘche, etc.) sans que les bĂ©nĂ©fices ne leur reviennent directement.
Le pourvoi nâa pas pu convaincre la Cour que lâaccord respectait suffisamment les droits Ă©conomiques et sociaux des Sahraouis.
En matiĂšre juridique, un pourvoi devant la Cour de justice de l’Union europĂ©enne (CJUE) est limitĂ© Ă des questions de droit, et non de fait.
Cela signifie que le pourvoi doit dĂ©montrer qu’il y a eu une erreur dans l’application ou l’interprĂ©tation du droit par le Tribunal.
Dans ce cas, le Tribunal avait correctement appliqué le droit international et européen, notamment en ce qui concerne le principe de souveraineté des peuples sur leurs ressources.
Le pourvoi n’a donc pas pu dĂ©montrer une erreur juridique justifiant l’annulation de la dĂ©cision du Tribunal.
Quelles sont les conséquences pratiques pour le Maroc, à la fois sur le plan économique, diplomatique et politique ?
Cet arrĂȘt va avoir un impact Ă©conomique immĂ©diat notamment sur les exportations agricoles et de pĂȘche.
Les produits issus du Sahara occidental, notamment les produits agricoles (tomates, melons) et les produits de la pĂȘche, ne bĂ©nĂ©ficieront plus des prĂ©fĂ©rences tarifaires prĂ©vues par l’accord d’association entre le Maroc et l’UE.
Les producteurs et les entreprises opĂ©rant dans le Sahara occidental, en particulier dans les secteurs de lâagriculture et de la pĂȘche, pourraient perdre des avantages compĂ©titifs sur le marchĂ© europĂ©en, entraĂźnant une baisse des revenus et des parts de marchĂ©.
Par ailleurs, cette dĂ©cision pourrait tendre les relations entre le Maroc et l’Union europĂ©enne, car le Royaume considĂšre le Sahara occidental comme partie intĂ©grante de son territoire.
Le Maroc pourrait percevoir cette décision comme une remise en cause indirecte de sa souveraineté sur la région.
En consĂ©quence, le Maroc pourrait chercher Ă diversifier davantage ses partenaires commerciaux et renforcer ses liens avec d’autres puissances Ă©conomiques (notamment la Chine, la Russie, ou les Ătats-Unis), en rĂ©ponse Ă ce revers dans ses relations commerciales avec lâUE.
ParallĂšlement Ă cela, cette dĂ©cision du Tribunal de l’UE et son rejet par la CJUE peuvent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s comme une victoire pour le Front Polisario, ce qui conteste la souverainetĂ© marocaine sur le Sahara occidental et ainsi renforcer la position du Front dans ses revendications internationales et raviver les tensions dans la rĂ©gion.
Au niveau Ă©conomique, les entreprises marocaines ou Ă©trangĂšres opĂ©rant dans le Sahara occidental peuvent faire face Ă une incertitude juridique, notamment en ce qui concerne l’exportation de produits vers l’UE.
Elles devront donc sâadapter Ă de nouvelles rĂšglementations ou se tourner vers d’autres marchĂ©s.
Au niveau diplomatique, le Maroc pourrait rĂ©agir en suspendant ou en limitant certains accords de coopĂ©ration avec lâUE dans diffĂ©rents domaines, comme lâimmigration, la lutte contre le terrorisme, ou encore les accords de pĂȘche en MĂ©diterranĂ©e et en Atlantique.
Ces secteurs sont stratĂ©giques pour l’UE et pourraient ĂȘtre utilisĂ©s comme leviers de nĂ©gociation.
Il est aussi possible que le Maroc et l’UE cherchent Ă renĂ©gocier l’accord en incluant des dispositions plus spĂ©cifiques sur le Sahara occidental, peut-ĂȘtre sous forme de consultations avec les populations locales, pour tenter de contourner les obstacles juridiques.
Enfin, cette dĂ©cision pourrait renforcer les efforts internationaux pour une solution politique au conflit du Sahara occidental, basĂ©e sur les rĂ©solutions des Nations Unies qui prĂ©voient lâautodĂ©termination du peuple sahraoui.
Le Maroc pourrait ĂȘtre soumis Ă davantage de pressions diplomatiques pour reprendre les nĂ©gociations avec le Front Polisario sous lâĂ©gide de lâONU.
Le plan dâautonomie proposĂ© par le Maroc pourrait indirectement influer sur le contexte diplomatique et politique entourant le Sahara occidental, mais il ne remet pas immĂ©diatement en question la dĂ©cision de la CJUE.
Tant que le statut du Sahara occidental demeure celui dâun territoire non autonome et que le consentement du peuple sahraoui nâest pas obtenu pour des accords commerciaux ou Ă©conomiques, l’UE continuera de suivre les principes du droit international.
Toutefois, si le plan dâautonomie devient un cadre acceptĂ© pour rĂ©soudre le conflit, il pourrait Ă terme faciliter la rĂ©intĂ©gration du Sahara occidental dans les accords commerciaux entre l’UE et le Maroc.