La Belgique traverse aujourd’hui une période de débat intense concernant sa politique migratoire, oscillant entre un durcissement assumé et des controverses autour de la légitimité morale et juridique des mesures limitatives ou d’expulsion.
Pourtant, cette posture restrictive contraste nettement avec les politiques migratoires mises en place après la Seconde Guerre mondiale.
À cette époque, marquée par l’expansion économique des « Trente glorieuses », la Belgique a activement encouragé l’immigration, concluant de nombreux accords bilatéraux avec des pays méditerranéens afin de combler son déficit de main-d’œuvre.
Dès les premiers accords avec l’Italie en 1946, des mesures juridiques ont été adoptées pour faciliter le regroupement familial, contribuant ainsi à retenir les travailleurs immigrés en Belgique face à la concurrence d’autres pays européens comme la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, eux aussi en quête de main-d’œuvre étrangère.
Initialement envisagée comme une réponse provisoire aux besoins du patronat belge, l’immigration devait permettre aux migrants d’acquérir des compétences professionnelles et un certain capital économique avant leur retour dans leur pays d’origine.
Cependant, la crise démographique des années soixante modifie durablement cette perspective : face au vieillissement rapide de la population belge, notamment en Wallonie, l’immigration et sa contribution à la natalité apparaissent désormais comme essentielles à la régénération démographique.
Cette nouvelle réalité contraste toutefois durement avec les conditions d’accueil concrètes des immigrés.
L’image d’une Belgique prospère et accueillante contraste avec les logements précaires dans lesquels beaucoup d’entre eux doivent vivre.
L’absence d’équipements sanitaires décents et la promiscuité aggravent leur quotidien déjà difficile, particulièrement pour les femmes immigrées, brutalement confrontées à l’isolement et à la rupture avec leur cadre social habituel.
Le choc pétrolier de 1973 met un terme brutal à ces politiques d’accueil.
Dans un contexte de crise économique aiguë, les travailleurs étrangers, auparavant considérés comme indispensables, deviennent soudainement indésirables.
Aujourd’hui encore, le durcissement des politiques migratoires s’inscrit dans cette continuité complexe, où enjeux économiques, démographiques et sociaux se mêlent aux questions morales et juridiques relatives à l’intégration et aux droits humains.
Une question essentielle subsiste aujourd’hui : celle de l’intégration réelle des enfants d’immigrés tant de la première que des deuxième, troisième, voire quatrième générations.
Malgré leur nationalité belge acquise par naissance ou naturalisation, ces descendants continuent souvent à être perçus et traités comme des étrangers.
Cette situation interroge sur la capacité de la société belge à dépasser les barrières héritées du passé et à pleinement accepter ces citoyens à part entière. En définitive, le véritable défi réside dans l’acceptation sincère et profonde de la différence.
Sous-jacente à ces problématiques, la politique économique globale du pays joue un rôle déterminant.
La véritable solution durable consiste à assurer un revenu décent à tous grâce à une politique dynamique de création d’entreprises et d’emplois.
Sans une politique économique solide et inclusive, les mesures actuelles ne seront que des solutions temporaires, équivalentes à poser un simple « emplâtre sur une jambe de bois ».
Il est bon de rappeler qu’historiquement, les mouvements migratoires ont toujours existé depuis l’aube de l’humanité.
Ces déplacements ont systématiquement été sources d’échanges culturels, de développement économique et de progrès social.
Certes, les défis et les dérives liés à l’immigration contemporaine exigent des ajustements et une régulation attentive.
Toutefois, il demeure essentiel de reconnaître que la diversité et la mixité constituent des piliers fondamentaux de l’universalité humaine, à condition que la différence soit réellement acceptée et valorisée comme richesse collective.