🇧đŸ‡Ș-Interdiction de l’abattage rituel sans Ă©tourdissement ?

La dĂ©cision Ă©tait attendue avec anxiĂ©tĂ© par de nombreuses autoritĂ©s juives et musulmanes dans toute l’Europe.

Mardi 13 fĂ©vrier, la Cour europĂ©enne des droits de l’homme (CEDH) a statuĂ© sur l’interdiction par deux rĂ©gions belges, la Flandre et la Wallonie, de l’abattage rituel sans Ă©tourdissement prĂ©alable en estimant qu’il ne s’agit pas d’une violation des libertĂ©s religieuses.

La rĂ©gion de Bruxelles-Capitale reste pour l’heure la seule en Belgique autorisant cette pratique.

Pour les deux cultes juif et musulman, les animaux doivent ĂȘtre saignĂ©s encore conscients pour que leur viande puisse ĂȘtre consommĂ©e conformĂ©ment aux principes religieux.

Dans la tradition juive, la consommation carnĂ©e est autorisĂ©e Ă  la seule condition que l’abattage des animaux ( bĂ©tail, volaille mais pas poisson) soit rĂ©alisĂ© au cours d’un rituel codifiĂ© : la shehita (ou chekhita).

Cette technique, dĂ©crite de maniĂšre trĂšs prĂ©cise dans la Torah, est fondĂ©e sur le principe constant du respect de la vie animale. Ainsi, ritualiser la mort des animaux est un moyen de limiter leur souffrance et, par consĂ©quent, d’honorer le vivant.

L’abattage doit ĂȘtre rĂ©alisĂ© par un homme pieux et techniquement qualifiĂ©, le shohet.

L’animal est mis Ă  mort par tranchage du cou (trachĂ©e et Ɠsophage), au moyen d’un couteau affutĂ© rĂ©pondant Ă  une sĂ©rie de prescriptions. Pour que la viande soit casher, une sĂ©rie de prescriptions complĂ©mentaires sont imposĂ©es, dont le retrait des parties de la dĂ©pouille impropres Ă  la consommation.

La shehita a longtemps constitué un pilier de la société juive traditionnelle ; elle était financée par un impÎt spécial prélevé sur les membres de la communauté.

Actuellement, elle participe de l’organisation de la cacherout qui contribue Ă  l’autofinancement de la communautĂ© religieuse.

En Belgique, ce sont les communautés israélites orthodoxes Shomre Hadass et Machsike
Hadass d’Anvers qui sont les principales autoritĂ©s religieuses dĂ©livrant les certificats de
cacherout. Apposés sur la nourriture casher, ils en certifient la consommabilité par les
juifs de stricte observance.

 

Dans l’islam, l’abattage rituel regroupe un ensemble de conditions qui rendent la viande halal, c’est-Ă -dire consommable. Inscrit dans le Coran, il reprĂ©sente plus qu’un simple rituel religieux.

Moins contraignant que la Shehita juive, l’abattage rituel musulman doit rĂ©unir certaines conditions et certains gestes pour que la viande soit dĂ©clarĂ©e licite Ă  la consommation. La mort de l’animal doit ĂȘtre intentionnelle, encadrĂ©e et contrĂŽlĂ©e.

En islam, les rĂšgles imposĂ©es pour l’abattage des animaux (bĂ©tail et volaille), le dhakĂąt, sont moins exigeantes que dans le judaĂŻsme. Le sacrificateur, qui – s’il n’est pas musulman doit appartenir aux ‘gens du Livre’ – procĂšde, au moyen d’une lame tranchante, Ă  la mise Ă  mort par Ă©gorgement.

Le choix de l’instrument n’a que peu d’importance, c’est le geste qui compte : la gorge (la jugulaire, la trachĂ©e-artĂšre et l’Ɠsophage) doit ĂȘtre tranchĂ©e en une seule fois.

 

Les deux mĂ©thodes d’abattage rĂ©clament que l’animal soit conscient lors de sa mise Ă  mort, ce qui exclut l’étourdissement prĂ©alable. Toutefois, certaines autoritĂ©s islamiques admettent un Ă©tourdissement simultanĂ©.

Le souci du bien-ĂȘtre animal se trouve au centre des lĂ©gislations des États laĂŻques rĂ©gulant l’abattage des espĂšces bouchĂšres et des volailles.

L’abattage destinĂ© Ă  produire de la viande casher, rĂ©pondant aux normes de la cacherout, c’est-Ă -dire du code alimentaire du judaĂŻsme, est organisĂ© de façon relativement discrĂšte au sein de communautĂ©s juives devenues peu nombreuses en Europe.

En revanche, l’abattage destinĂ© Ă  produire de la viande halal, rĂ©pondant aux besoins d’une population musulmane europĂ©enne en croissance, est beaucoup plus rĂ©pandu et est l’objet d’une forte visibilitĂ© mĂ©diatique, particuliĂšrement lors de la cĂ©lĂ©bration de l’AĂŻd el-KĂ©bir (« grande fĂȘte » – ou AĂŻd el-Adha, « fĂȘte du sacrifice »).

En outre, la filiĂšre de production de viande halal est aux mains d’acteurs Ă©conomiques plus que religieux et elle a un impact sur le secteur de la viande en gĂ©nĂ©ral dans plusieurs pays europĂ©ens, dont la Belgique.

La question de l’abattage rituel concerne des normes supĂ©rieures en matiĂšre de libertĂ©
de religion, d’une part, et en matiĂšre de bien-ĂȘtre animal, de l’autre.

Le dĂ©veloppement du concept des droits fondamentaux de l’animal, portĂ© par des
associations de dĂ©fense du bien-ĂȘtre animal, a conduit Ă  la remise en cause du bien-
fondĂ© de la dispense d’étourdissement prĂ©alable accordĂ©e par la plupart des États membres de l’Union europĂ©enne pour raison religieuse.

Quelques pays europĂ©ens ont dĂ©jĂ  interdit l’abattage sans Ă©tourdissement ; d’autres envisagent de le faire.

En Belgique, la sixiĂšme rĂ©forme de l’État a attribuĂ© la compĂ©tence du bien-ĂȘtre animal
aux RĂ©gions Ă  partir du 1er juillet 2014.

Depuis lors, la RĂ©gion wallonne et la RĂ©gion flamande ont adoptĂ© des dĂ©crets qui interdisent l’abattage sans Ă©tourdissement, respectivement Ă  partir du 1er
septembre 2019 et du 1er janvier 2019.

En RĂ©gion de Bruxelles-Capitale, les discussions sont actuellement en cours Ă  ce sujet.

Le bien-ĂȘtre animal est une cause Ă  laquelle l’opinion publique europĂ©enne se montre
globalement de plus en plus réceptive. Elle est défendue par des groupes bien organisés,
qui ont fait de l’interdiction de l’abattage rituel l’un de leurs objectifs.

Cette montĂ©e en puissance de l’intĂ©rĂȘt portĂ© au bien-ĂȘtre animal – qui s’observe Ă©galement Ă  travers d’autres manifestations, telles que l’interdiction de la vivisection ou de la fourrure, ou la popularitĂ© grandissante des rĂ©gimes vĂ©gĂ©tariens ou vĂ©gĂ©taliens – a dĂ©bouchĂ© sur l’interdiction de l’abattage rituel dans plusieurs pays europĂ©ens.

La traçabilitĂ© interne est Ă©galement un sujet de dĂ©bat.MĂȘme si les communautĂ©s religieuses peuvent l’organiser.

Au sein de la communautĂ© juive, l’ensemble du processus de la cacherout est contrĂŽlĂ© de la sĂ©lection de l’animal Ă  l’assiette.

La production de viande halal, en revanche, n’est pas contrĂŽlĂ©e aussi Ă©troitement par des autoritĂ©s religieuses musulmanes : elle est essentiellement organisĂ©e par des acteurs Ă  finalitĂ© purement Ă©conomique.

CONCLUSION
« Faut-il sacrifier la libertĂ© religieuse sur l’autel du bien-ĂȘtre animal ? », telle est la question posĂ©e par le constitutionnaliste Mathias El Berhoumi (USL-B) 130.

On pourrait ajouter à cette premiÚre interrogation une seconde, plus prosaïque : faut-il y sacrifier une activité économique florissante ?

Si l’abattage rituel a  Ă©tĂ© particuliĂšrement ciblĂ© dans le cadre du dĂ©veloppement
des dispositifs visant Ă  accroitre le bien-ĂȘtre animal, c’est sans doute notamment en
raison de la grande visibilité, y compris médiatique, qui a été donnée aux abattages de
moutons rĂ©alisĂ©s soit dans le cadre domestique soit dans des structures d’abattage
temporaires, bien souvent Ă  ciel ouvert, lors de l’AĂŻd el-KĂ©bir.

Pour une partie importante du public gĂ©nĂ©ral, mais Ă©galement des responsables politiques, l’abattage rituel se rĂ©sume Ă  cet Ă©vĂšnement, contre les dĂ©sordres duquel il Ă©tait dĂšs lors important de lutter. 

En rĂ©sumĂ©, l’opinion qui tend Ă  prĂ©valoir actuellement au sein du monde politique
comme du public est celle que rĂ©sume ainsi la dĂ©putĂ©e bruxelloise Annemie Maes (Groen) : « MĂȘme si l’obligation de l’étourdissement (
) Ă©tait considĂ©rĂ©e comme une ingĂ©rence
dans la libertĂ© de religion alors qu’on conserve la possibilitĂ© d’importer de la viande et
des produits Ă  base de viande provenant d’animaux abattus sans Ă©tourdissement, cette mesure ne porte en tout cas pas Ă  ce point atteinte aux rĂšgles religieuses des communautĂ©s concernĂ©es qu’on doive la considĂ©rer comme disproportionnĂ©e. Par contre, elle permet indĂ©niablement une avancĂ©e majeure sur le plan du bien-ĂȘtre des animaux »

Sources : Interdiction de l’abattage rituel  &  CRISP-Les dĂ©bats autour de l’interdiction de l’abattage rituel

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