Aujourd’hui, il faut attendre en moyenne, 81 jours pour décrocher un premier rendez-vous chez un médecin-spécialiste en Belgique : un record qui fait douter de la promesse d’une prise en charge rapide et accessible.
Entre quotas « étudiant » figés, numéros INAMI dormants, accès libre à la seconde ligne et incitations financières, retour sur les raisons de cette crise d’accès et les mesures – simples – pour y remédier.
La Belgique se distingue par ce très long délai d’attente, quand la plupart des pays d’Europe parviennent à limiter cette attente à moins d’un mois .
Sur le territoire national, les disparités régionales deviennent criantes : certaines provinces affichent des délais proches de trois mois, là où Bruxelles tient encore le cap autour de deux mois .
Cette situation engendre deux conséquences directes : des surcoûts à hauteur de 60 € en moyenne pour passer par un cabinet non-conventionné et une renonciation croissante aux soins, notamment pour les plus modestes.
Les causes sont multiples, à commencer par le vieillissement de la population : la part des plus de 65 ans ne cesse de croître, alourdissant la charge des soins chroniques et des suivis réguliers.
À cela s’ajoute une pénurie structurelle de médecins : avec seulement 3,2 praticiens pour 1 000 habitants, la Belgique accuse un retard par rapport à la moyenne européenne (4,0).
Sur le plan de la formation, le numerus clausus dans les universités belges reste bloqué à 744 nouvelles places francophones pour 2028, loin des besoins projetés par la Commission de planification .
Parallèlement, des milliers de numéros INAMI dormants – attribués à des praticiens retraités ou expatriés – continuent de figurer comme « officiels », gonflant artificiellement les effectifs et faussant la planification .
Le système dual de tarification amplifie le phénomène : moins d’un spécialiste ambulatoire sur deux pratique au tarif INAMI, contraignant les patients à choisir entre délais interminables chez les conventionnés ou suppléments chez les autres .
De surcroît, en l’absence de gatekeeping à la néerlandaise, tout un chacun peut consulter directement un spécialiste sans passer par le médecin généraliste, surchargeant la deuxième ligne de cas bénins et repoussant les urgences .
Dans les hôpitaux, l’assurance hospitalisation, contrat privé complémentaire, dispense du versement d’un acompte, ce qui gomme le frein financier à l’admission et incite à prolonger les séjours : la durée moyenne d’hospitalisation frôle 7,0 jours, contre 7,4 jours en moyenne européenne .
Les dépenses directes des ménages représentent près de 18 % du total des dépenses de santé, un poids supérieur à la moyenne UE (14,5 %).
Tableau comparatif (données 2023‑24)
Indicateur | Bruxelles‑Capitale | Flandre | Wallonie | Belgique (source KCE*) | Moyenne UE (source OCDE) |
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Attente médiane 1ᵉʳ rendez‑vous spécialiste | 58 j | 74 j | 96 j | 81 j¹ | ≃ 30‑40 j² |
Médecins actifs / 1 000 hab. | — | — | — | 3,3 | 4,1 |
Dépenses directes des ménages (OOP**) / dépenses totales de santé | — | — | — | 18 % | 14,5 % |
Durée moyenne séjour hospitalier aigu | — | — | — | 7,0 j | 7,4 j |
Séjour post‑accouchement voie basse | — | — | — | 2,7 j | 2,4 j |
Surcoût chambre individuelle vs. commune (facture patient) | × 7 (est.) | × 7 | × 7 | + ≈1 600 € par admission³ | n.d. |
* KCE : Knowledge Centre for Expertise in Health Care, Performance of the Belgian Health System – Report 2024.
** OOP = « Out‑of‑Pocket » : somme réellement réglée par le ménage, après intervention de l’assurance obligatoire (INAMI).
Si la qualité technique belge reste élevée, l’attente et la contribution directe des ménages dépassent la norme européenne.
Faute de registre national des listes d’attente, le KCE compile des enquêtes ponctuelles – un premier signal que la question reste en grande partie “hors radar” institutionnel.
Pour plus d’infos, voir ci-dessous
Quelles solutions, dès aujourd’hui ?
Rééquiper la médecine de premier recours constitue le remède le plus immédiat : ouvrir des créneaux sans rendez-vous, multiplier les e-consultations et déléguer certains actes à des infirmiers de pratique avancée.
Parallèlement, étendre l’interdiction des suppléments pour les bénéficiaires de l’intervention majorée renforcerait l’accès pour les publics fragiles.
Et à plus long terme ?
Il faut lever le numerus clausus spécialité par spécialité, créer un contingent réel de numéros INAMI « actifs » sans toucher à ceux des retraités, et instaurer un référé souple : sauf urgence absolue, l’entrée chez le spécialiste passerait par un examen préalable du généraliste, garant d’un dossier médical global et d’une orientation mieux ciblée.
Enfin, la publication trimestrielle des temps d’attente par discipline et par région ferait naître une transparence salutaire.
Source : 81 jours d’attente en moyenne pour obtenir un rendez-vous chez un.e spécialiste | Testachats, Health at a Glance 2024 – OECD Indicators, , Waiting Times for Health Services: Next in Line (OCDE, 2020), Performance of the Belgian Health System – KCE Report 383B (2024), , Length of Stay after Childbirth in Belgium – KCE Document 373 (2023), Les quotas de médecins et dentistes pour 2028 et 2027 ont été fixés – Le Vif, Pénurie de médecins : le nombre de numéros Inami augmente – Le Vif, , Baromètre hospitalier 2023 – Solidaris Mutualité, Arrêté royal du 19 novembre 2023 fixant les quotas 2028 – Moniteur belge