Développement durable : en quoi le Maroc peut devenir un allié de poids pour l’U.E.

L’Union Européenne a élaboré un plan de développement de l’hydrogène qui a pour objectif de décarboner les secteurs les plus polluants comme la sidérurgie et les transports, pour atteindre la neutralité climatique en 2050.

Concrètement, il s’agit de remplacer les énergies fossiles dans l’industrie par l’hydrogène vert, notamment pour la production d’acier, de l’utiliser comme carburant pour le transport aérien et maritime, les poids lourds, ainsi que pour les batteries.

Bruxelles espère amener l’hydrogène entre 12 et 14% du mix énergétique de l’Union européenne en 2050 ; elle en a même fait un investissement prioritaire pour la transition et la relance de son économie après la crise liée au coronavirus.

Or, si le plan européen est ambitieux et doté d’importants budgets pour mener à bien cette transition, il n’en demeure pas moins que les capacités de production de l’hydrogène vert, qui provient essentiellement de l’éolien et du solaire, sont limitées.

Même avec un investissement massif dans les énergies renouvelables, toutes les études européennes avancent la nécessité d’importer une quantité importante des besoins énergétiques en hydrogène et donc de nouer des partenariats stratégiques avec des pays au fort potentiel énergétique.

Le Maroc figure sans aucun doute parmi les partenaires stratégiques incontournables de l’Union européenne dans la mesure où le Royaume a une capacité éolienne et solaire hors du commun, qu’il a entrepris de lourds investissements dans le domaine des énergies renouvelables dès 2009 et du fait enfin de sa proximité avec le continent européen.

Concrètement dans le cas du Maroc, les concurrents sur le marché européen sont les pays d’Afrique du Nord.

La Libye et l’Algérie sont des concurrents potentiels pour l’export d’hydrogène sur le marché européen.

Le Maroc a acquis une avance et une expertise certaine dans les énergies renouvelables.

Il s’agit d’assurer cette avance par l’investissement dans les infrastructures de stockage et de transport.

Le Maroc doit se pencher sur la possibilité d’un hydrogénoduc le reliant au continent européen. En effet, le transport par pipeline de l’hydrogène est technologiquement mature et les coûts de transport similaires à ceux du CNG(“Compressed Natural Gas”).

Cela permettrait d’assurer au Maroc un coût de transport inférieur par rapport à ses éventuels concurrents, en plus de sa plus grande proximité géographique, alors qu’il est déjà le seul pays d’Afrique du Nord qui dispose d’un câble d’alimentation le reliant au réseau européen.

L’étude de faisabilité doit être faite d’autant plus rapidement que le crash pétrolier que nous connaissons peut représenter une opportunité pour le Royaume.

La transformation des réseaux existants de gaz naturel en hydrogène représente des investissements relativement limités, de l’ordre de 15% de la valeur de ces infrastructures.

Or, l’Algérie qui exporte son gaz naturel en Europe notamment via un gazoduc qui passe par le Maroc et l’Espagne a vu son contrat rompu par la société importatrice espagnole Naturgy Energy. Et la convention Maroc-Algérie-Espagne pour le transit du gaz algérien vers l’Europe via le GME (Gazoduc Maghreb Europe) prend fin précisément en 2021. Il est donc peu probable qu’Alger demande la prolongation de cet accord et le gazoduc traversant le territoire marocain deviendra légalement la propriété du Royaume.

La conversion de ce gazoduc en hydrogénoduc, en coopération avec les autorités espagnoles, permettrait la présence d’infrastructures d’exportation marocaines en Europe.

PETROLEUM PIPES AND OIL TANKER AT PIER

Cela mettrait Rabat dans une position unique de partenaire dans la réflexion des tracés des réseaux et ainsi s’assurer du raccordement des infrastructures marocaines aux réseaux européens.

Si le Royaume effectue les investissements nécessaires, le Maroc a la capacité de devenir un leader mondial de l’hydrogène et le premier fournisseur d’Énergie à l’Europe, avec à la clé une formidable opportunité économique et géopolitique.

Sur le plan économique, la possibilité de fournir de l’énergie propre décarbonée à l’industrie marocaine lui permettra d’accroître sa compétitivité à l’export. Cela peut également contribuer au développement des provinces du sud au moment où cela devient un enjeu de développement économique pour le Maroc. Enfin, l’export de l’hydrogène peut avoir un impact significatif sur la balance commerciale et les réserves de change du pays.

Sur le plan géopolitique, en plus de l’indépendance énergétique que cela peut conférer au Royaume, cela accroîtra le partenariat stratégique avec l’Union européenne, renforçant un peu plus son statut avancé. Enfin, le développement à terme d’énergies renouvelables dans les provinces du sud permettra, similairement aux accords de pêche avec l’Union européenne, d’ajouter la région comme source d’approvisionnement énergétique de l’Europe, renforçant un peu plus de facto la reconnaissance internationale de la souveraineté du Maroc sur son Sahara.

Pour lire la totalité de cette excellente analyse d’Anas Abdoun, consultant analyste en risque géopolitique dans le secteur des énergies hydrocarbures. Après un Bachelor en Sciences Politiques de l’Université de Montréal et un Master en Relations internationales de l’Université Libre de Bruxelles, cliquez sur le lien ci-dessous.

Source : Hydrogène : Comment le Maroc peut devenir le premier fournisseur de l’Union Européenne  | Challenge.ma

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