Aïd al‑Adha : le roi appelle cette année à y renoncer !
« Aïd al‑Adha » signifie littéralement « la fête du sacrifice ».
Elle commémore, pour les musulmans, l’élan d’obéissance d’Ibrâhîm (Abraham) prêt à sacrifier son fils avant qu’un bélier ne lui soit substitué.
Pendant trois jours (du 10 au 12 du mois lunaire de Dhû l‑Hijja), les fidèles qui en ont les moyens immolent un animal, en gardent 1/3 pour leur foyer, en offrent 1/3 à la famille et 1/3 aux personnes démunies : un geste à la fois dévotionnel et social.
Le sacrifice n’est pas l’un des cinq piliers de l’islam.
Selon la tradition majoritaire, il est fortement recommandé (sunna mu’akkada) chez les malikites – l’école suivie au Maroc –, donc non obligatoire mais est quasi‑obligatoire (wâjib) pour les hanafites, mais seulement pour celui qui possède un patrimoine excédant ses besoins essentiels.
Autrement dit, le rite ne s’impose qu’à ceux qui en ont réellement la capacité financière ; il reste, pour tous, un moment d’entraide et de cohésion familiale.
Cette année, en 2025, Mohammed VI, Commandeur des croyants1, a‑demandé d’y renoncer  pour diverses raisons :
- la sécheresse historique : le royaume vit sa 7ième année consécutive de déficit hydrique, avec 53 % de pluies en moins par rapport à la moyenne trente‑annale. Le cheptel ovin a chuté de 38 % en un an. 
- la flambée des coûts et la pression sociale : le prix d’un mouton, dopé par la rareté du fourrage importé, dépassait déjà 5 000 à  6 000 dirhams en 2024, un fardeau pour les foyers au salaire minimum (environ 3 000 dirhams). 
- la préservation des éleveurs et la reconstitution du cheptel : une « année blanche » doit permettre d’alléger la demande urbaine, de laisser les brebis se reproduire et de donner à l’État le temps de soutenir la filière. 
Dans son message télévisé du 26 février, le souverain, en tant qu’Amîr al‑Mu’minîn1, invoque le verset « Dieu n’a mis aucune gêne pour vous dans la religion » et rappelle que le sacrifice « demeure subordonné à la capacité financière ». 
Il est utile de rappeler qu’en 2023, face à la flambée des cours du fourrage, Rabat a importé 100 000 ovins d’Espagne, de Roumanie et d’Italie, une première historique censée calmer le marché .
En 2024, l’ONSSA a imposé quatorze jours de quarantaine et des analyses sanitaires poussées aux bêtes importées – preuve que la qualité reste un angle mort du débat public.
Pourtant les scandales n’ont pas disparu : pilules de corticoïdes, levure ou fientes de volaille pour gonfler artificiellement le poids des bêtes ont défrayé la chronique dès 2015.
L’opinion est donc partagée entre crainte d’une viande hors de prix et scepticisme quant au « contrôle » promis.
Des appels comparables à la renonciation du sacrifice ont été lancés en 1963, 1981 et 1996, toujours sous l’effet conjugué de sécheresses sévères et d’inflation – preuve qu’il s’agit d’un outil exceptionnel de gestion de crise, pas d’un renversement de doctrine. 
Le roi encourage les Marocains à conserver l’esprit de la fête : effectuer la prière de l’Aïd, multiplier l’aumône (sadaqa), fortifier les liens familiaux et exprimer leur gratitude.
Il se chargera, dit‑il, d’immoler deux béliers « au nom du peuple », à l’image du Prophète. 
L’Aïd al‑Adha irrigue une économie pastorale évaluée à plus de 12 milliards de dirhams. Y renoncer demande un effort collectif, mais évite l’endettement forcé et alerte sur la sécurité hydrique : un rappel que le climat redessine déjà le calendrier des traditions.
De cette suspension inédite pourrait naître une réflexion de fond : comment réconcilier rites, justice sociale et durabilité face au changement climatique qui redessine déjà le calendrier des traditions.
1.Dans la Constitution, le souverain marocain cumule la fonction de chef d’État et celle de garant du culte. C’est en sa qualitĂ© d’AmĂ®r al‑Mu’minĂ®n que le roi peut trancher sur les questions religieuses et « lever la gĂŞne » en cas de nĂ©cessitĂ© – une prĂ©rogative qui remonte aux premiers califes et qui, aujourd’hui, lui confère un magistère moral incontesté WikipĂ©dia, l’encyclopĂ©die libre
Source : Bladi-Pourquoi l’annulation de l’Aïd révèle la crise sociale au Maroc, ActuNiger – Aïd El‑Kébir 2025 : face à la sécheresse, le roi Mohammed VI appelle à renoncer au sacrifice du mouton, Le Monde – Le roi du Maroc appelle à ne pas sacrifier le mouton de l’Aïd en raison de la sécheresse, TelQuel – Le Maroc traverse sa septième année de sécheresse successive, Médias24 – Soutien à l’importation des ovins : 437 MDH déboursés en deux ans, H24info – Le Maroc se dirige vers l’importation de 100 000 moutons d’Australie, Le360 – Aïd Al‑Adha : mise en quarantaine du bétail importé, Bladi.net – Les prix du mouton s’envolent, l’Aïd menacé ?, Bladi.net – Des moutons engraissés aux corticoïdes, L’Opinion – Quand Hassan II interdisait l’Aïd Al‑Adha, Constitute Project – Constitution du Maroc 2011, article 41, Islam Q&A – Doit‑il s’acheter un sacrifice ou régler ses dettes ?