🇧🇪-Le Chocolat belge reconnu patrimoine bruxellois

Le 6 mai 2025, la Région de Bruxelles‑Capitale a inscrit « la tradition et le savoir‑faire du chocolat belge » à son Inventaire du Patrimoine culturel immatériel.

Concrètement, l’exécutif bruxellois a simplement ajouté « le chocolat belge » à son inventaire officiel, où figurent déjà le théâtre de marionnettes Toone ou l’art du tapis de fleurs de la Grand‑Place.

Cette inscription reconnaît que la pratique – travailler la fève, concher, mouler, transmettre les gestes dans les écoles de chocolaterie – fait partie de l’identité vivante de la capitale ; elle oblige la Région à mettre en œuvre (avec les chocolatiers et les centres de formation) un plan de sauvegarde, de documentation et de transmission de ces savoirs

L’initiative donne une reconnaissance officielle à un art culinaire qui façonne aussi l’identité économique et touristique du pays.

Elle n’accorde toutefois aucun droit exclusif sur l’appellation elle‑même

Mais, il existe bien un texte juridiquement contraignant qui fixe la composition minimale du chocolat commercialisé en Belgique.

Il s’agit de l’arrĂŞtĂ© royal du 19 mars 2004 transposant en droit national la directive europĂ©enne 2000/36/CE : les seuils Ă©dictĂ©s par Bruxelles : « chocolat » signifie au moins 35 % de matières sèches de cacao dont 18 % de beurre de cacao  & « chocolat au lait » exige 25 % de cacao sec et 14 % de solides du lait, etc.

Toute tablette qui ne respecte pas ces pourcentages doit porter une autre dénomination (confiserie au cacao, préparation chocolatée, boisson instantanée…) et ne peut franchir le marché belge .

En revanche, l’évocation de l’origine belge n’est, à ce jour, couverte par aucune indication géographique protégée (IGP) ni par un arrêté spécifique : la loi se contente d’interdire toute mention susceptible d’induire le consommateur en erreur.

Pour guider les contrôles, la profession a élaboré en 2008 le Belgian Chocolate Code : un accord volontaire qui n’a pas force de loi, mais qui sert de référence lorsqu’il faut apprécier le caractère trompeur d’une étiquette

L’appellation “chocolat belge” reste, pour l’instant, un engagement déontologique, non une appellation d’origine officielle.

La situation pourrait toutefois évoluer : le règlement (UE) 2023/2411, entré en vigueur en octobre 2023 et applicable à partir du 1ᵉʳ décembre 2025, ouvre pour la première fois le régime des indications géographiques aux produits artisanaux et industriels.

Les fédérations belges préparent déjà un dossier visant à enregistrer « Chocolate of Belgium » comme IGP européenne.

Neuhaus : le gardien du ballotin royal ou un chocolat pleinement belge !

Fondée en 1857 sous les arcades des Galeries Saint‑Hubert, Neuhaus a inventé la praline en 1912 et n’a jamais quitté la banlieue bruxelloise : toutes ses ganaches sont encore conchées et moulées à Vlezenbeek, dans l’usine qui arbore la couronne du « Warrant Holder to the Belgian Court ». La maison appartient aujourd’hui à l’investisseur belge Compagnie du Bois Sauvage, mais son réseau commercial compte plus de 1 500 points de vente dans cinquante pays — des aéroports de Dubaï aux grands magasins de New York .Ce déploiement mondial ne dilue pourtant pas son ancrage : les emballages clament « Made in Belgium since 1857 », engagement réaffirmé sur le site de la marque, où Neuhaus promet de conserver l’intégralité du mélange, de l’affinage et du moulage sur le sol belge . De fait, la chocolaterie respecte à la lettre le Belgian Chocolate Code ; elle représente ainsi le contre‑exemple rassurant dans un paysage où nombre de labels historiques ont externalisé leurs chaînes. Neuhaus mise sur la transparence (code usine BE‑) et la pédagogie autour du ballotin breveté : un storytelling qui, pour une fois, coïncide avec la réalité industrielle et laisse au consommateur la certitude de croquer un chocolat pleinement belge.

 L’enjeu est d’autant plus pressant que l’histoire industrielle s’est mondialisée.  

Callebaut : un ADN belge diffusé aux quatre coins du globe

La marque Callebaut, née en 1911 à Wieze, appartient depuis 1996 au groupe suisse Barry Callebaut. Le site de Wieze reste la plus grande fabrique de chocolat de couverture au monde, mais le groupe exploite aujourd’hui plus de soixante usines sur tous les continents .Callebaut continue d’imprimer « Finest Belgian Chocolate » sur ses sacs de pistoles : le produit respecte bien le Belgian Chocolate Code lorsque le mélange, le raffinage et le conchage ont lieu à Wieze, mais la même marque vend aussi des chocolats issus d’autres sites, simplement décrits comme « crafted in the Belgian tradition ». Tant que l’étiquette précise l’adresse réelle de fabrication, la pratique reste légale ; elle nourrit néanmoins la perception que tout Callebaut serait entièrement belge.

Côte d’Or : un pachyderme voyageur

Créée à Schaerbeek en 1883, Côte d’Or appartient désormais à Mondelēz International. Depuis 2017, une partie des mignonnettes et tablettes sort de l’usine Mondelēz de Wrocław, en Pologne, tandis que d’autres références sont toujours moulées à Halle, reprise cette année‑là par Barry Callebaut . Les emballages gardent l’éléphant et la mention « Belgian chocolate since 1883 », mais seul un code usine (ou une discrète ligne « Made in PL ») permet de savoir où la tablette a réellement été coulée. Là encore, l’information n’est pas mensongère ; elle est simplement noyée dans un visuel qui évoque Bruxelles plutôt que la Silésie.

Godiva : la jurisprudence américaine

Godiva a fermé sa dernière fabrique belge en 2017 ; ses pralines destinées au marché nord‑américain viennent aujourd’hui de Reading, Pennsylvanie. Les boîtes portent toujours la mention « Belgium 1926 ». En 2021, un recours collectif aux États‑Unis a estimé que ce message induisait les acheteurs en erreur .Godiva a accepté un accord à l’amiable de 15 millions de dollars pour éviter le procès . L’affaire montre que, hors d’Europe, la justice n’hésite plus à qualifier de trompeur un “story‑telling belge” lorsque la fabrication est 100 % locale.

 Comment, dès lors, reconnaître un « vrai » chocolat belge ?

D’abord en cherchant, près du code‑barres ou de la liste d’ingrédients, la mention « BE‑» suivie d’un code usine, signe que le conchage et le moulage ont été effectués en Belgique.

Ensuite en repérant le logo Beyond Chocolate ou l’adhésion explicite au Belgian Chocolate Code; enfin, en lisant la ligne exigée par le règlement 2018/775 : si l’ingrédient principal – la masse de cacao – vient d’un autre pays, l’étiquette doit le dire en caractères d’au moins 75 % de ceux utilisés pour l’origine revendiquée.

À défaut, la tablette mise en avant sous un drapeau belge n’aura peut‑être de « belge » que la légende marketing.

La reconnaissance patrimoniale bruxelloise rappelle ainsi que le chocolat belge est d’abord une histoire de savoir‑faire.

La protection juridique, elle, reste à écrire.

Tout l’enjeu des mois qui viennent sera de transformer un patrimoine culturel en véritable label d’origine avant la date butoir de décembre 2025.

Source : La RĂ©gion bruxelloise inscrit le chocolat belge Ă  son Patrimoine culturel immatĂ©riel – RTBF Actus, La tradition et savoir‑faire du chocolat inscrit au Patrimoine culturel immatĂ©riel bruxellois, Regulation (EU) 2023/2411 on geographical indications for craft and industrial products, ArrĂŞtĂ© royal du 19 mars 2004 relatif aux produits de cacao et de chocolat, Directive 2000/36/CE sur les produits de cacao et de chocolat, Belgian Chocolate Code (2008), Règlement (UE) 2018/775 sur l’origine de l’ingrĂ©dient primaire, Godiva “Belgium 1926” class‑action settlement, Barry Callebaut acquiert l’usine CĂ´te d’Or de Halle, Neuhaus (chocolatier) – WikipĂ©dia

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