🇧🇪-Histoire : enjeux des élections à venir à la lumière des années 1958-1968

Impossible de parler des liens complexes entre Wallonie et Flandre sans retracer l’évolution de la Belgique sur la période allant de 1958 à 1968.

C’est dans ces annĂ©es qu’ont Ă©tĂ© semĂ©es les graines de l’Ă©volution politique majeure qu’a connue le pays.

Une dĂ©cennie mouvementĂ©e qui a vu la Belgique devenir le pays fĂ©dĂ©ral qu’elle est aujourd’hui.

La Belgique, pays où rien n’est clair. Aussi bien le passé que le présent et l’avenir y ressemblent à un agrégat de fils entortillés. Il importe donc de rester modeste lorsqu’on prétend décrire l’évolution de la Belgique.

Alors par oĂą commencer?

Peut-être par ces dix années cruciales, de 1958 à 1968, durant lesquelles vacillent les fondations de l’État belge.

La séquence débute pourtant en grande pompe. À l’été 1958, Bruxelles accueille l’exposition universelle.

C’est un festival d’autocélébration pour la «petite Belgique».

Sur le plateau du Heysel, de juillet à septembre, s’étale une utopie: la croyance que le progrès matériel et le progrès humain iront désormais de pair et croîtront sans fin.

L’Atomium et ses neuf boules, monument devenu iconique pour tous les Belges, en est l’expression parfaite. Conçu à l’origine pour ne durer que quelques mois, il devait être détruit au terme de l’Expo 58. Un demi-siècle plus tard, sa grande carcasse reste pourtant intacte.

L’Atomium demeure un élément phare du paysage bruxellois. Mais la Belgique entre-temps a bien changé. Et de l’utopie d’alors il ne reste pour ainsi dire rien.

Avec le recul, l’Expo 58 apparaît comme un trompe-l’œil, le dernier soubresaut d’une Belgique qui se croyait «toujours grande et belle», comme le clame la Brabançonne, l’hymne national.

Quelques semaines à peine après la clôture de l’événement, le pays retombe brutalement sur terre.

En janvier 1959, dans sa colonie congolaise, les émeutes de Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa) sont réprimées dans le sang.

Dans la précipitation, l’indépendance du Congo est proclamée le 30 juin 1960.

Lors de la cérémonie officielle, le Premier ministre congolais Patrice Lumumba prononce un discours d’une rare virulence: «Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des “nègres”.»

Ces mots prononcés sous les yeux ébahis de Baudouin, le jeune roi des Belges venu saluer la naissance du nouvel État, sont ressentis comme un camouflet par l’establishment belge.

La perte de l’immense colonie congolaise (et de ses richesses) est une déflagration pour la Belgique, ne fût-ce que sur le plan économique.

L’argument est d’ailleurs invoquĂ© de façon explicite par le gouvernement de Gaston Eyskens, qui coalise sociaux-chrĂ©tiens et libĂ©raux: pour compenser le manque Ă  gagner liĂ© Ă  l’indĂ©pendance du Congo, un plan d’austĂ©ritĂ© drastique s’impose. Nouveaux impĂ´ts, relèvement de l’âge de la retraite dans le secteur public, contrĂ´le accru des chĂ´meurs…

L’ensemble est réuni dans un texte fourre-tout: la Loi unique.

Celle-ci concentre instantanément la colère syndicale.

Assez vite, le mouvement se durcit.

Le port d’Anvers est à l’arrêt. Trains et trams cessent de circuler. Les grands magasins baissent leurs rideaux.

Des grévistes saccagent la nouvelle gare de Liège-Guillemins, inaugurée deux ans plus tôt: ensemble moderniste de verre, de tôle et d’aluminium, la station a été conçue sur le modèle de Rome-Termini.

Ce jour-là, c’est tout un symbole de la Belgique comme pays de cocagne qui vole en éclats.

Source : Belgique 1958-1968: des annĂ©es charnières signant la fin de l’État unitaire – les plats pays

Laisser un commentaire