Le Canyon d’Agadir, un des plus grands canyons sous-marins du monde, est une formation géologique impressionnante, située au large des côtes Atlantique du Maroc.
Il se présente comme une profonde vallée sous-marine, creusée par les forces de l’érosion au fil des millénaires. Sa taille et sa profondeur en font un élément majeur du paysage sous-marin de la région.
Il mesure environ 450 km de long, jusqu’à 30 km de large et 1,2 km de profondeur et se présente comme un conduit des plus grands flux sédimentaires sous-marins au monde de plus de 150 km3 en volume. .
C’était il y a environ 60 000 ans qu’ une avalanche cataclysmique sous-marine d’une ampleur sans précédent a marqué l’histoire du Canyon d’Agadir.
Cette avalanche a érodé une surface totale d’environ 4 500 km², déplaçant des quantités colossales de sédiments.
La puissance de ce phénomène fut telle qu’elle a laissé des traces indélébiles dans le paysage sous-marin, permettant aux scientifiques d’en étudier les mécanismes et les conséquences.
Pour la première fois, sous la direction de Dr Chris Stevenson, sédimentologue de l’école des sciences de l’environnement à l’Université de Liverpool, les chercheurs ont réussi à cartographier en détail un glissement sous-marin de cette envergure, du point de départ jusqu’à son terme. L’étude a été publiée dans la revue Science Advances.
La cartographie établie détaille une avalanche sous-marine -invisible et extrêmement difficile à mesurer- en apportant de surcroît une nouvelle compréhension sur le processus géologique derrière ce type de formation.
Jusqu’à présent les données sur ces formations demeuraient rares, car seulement découvertes dans les années 1950.
Pourtant, elles constituent le mécanisme principal qui permet d’expliquer le déplacement des matériaux tels que des sédiments, des nutriments et des polluants à travers la surface de la Terre qui peut représenter un important risque géologique pour les infrastructures du fond marin telles que les câbles de télécommunications (e.a. internet) ou d’énergie, de structures pétrolières ou de pipe-lines,…Elles peuvent aussi avoir indirectement des répercussions désastreuses sur la frange littorale, en générant des raz de marée, voire déstabiliser le front de mer.
S’accroissant à un rythme extrême pour atteindre des hauteurs de 200 mètres et se déplaçant à une vitesse d’environ 15 m/s tout en arrachant le fond marin et détruisant tout sur son passage, l’avalanche sous-marine du Canyon d’Agadir a permis de donner de nouvelles dimensions au phénomène, bien au-delà de ce qui était connu jusque-là.
L’étude montre en effet comment l’avalanche a augmenté de plus de 100 fois sa taille, provoquant une énorme destruction sur son passage alors qu’elle parcourait environ 2 000 km à travers le fond marin de l’océan Atlantique au large de la côte nord-ouest de l’Afrique.
Cette avalanche a ainsi creusé un sillon de 400 km de long et a gravement érodé les parois du canyon, touchant une surface totale de 4500 km².
Selon le Dr Stevenson : « ce fut une avalanche de la taille d’un gratte-ciel, se déplaçant à plus de 60 km/h de Liverpool à Londres, qui creuse un fossé de 30 mètres de profondeur et de 15 km de large, détruisant tout sur son passage. Ensuite, elle s’étendit sur une zone plus grande que le Royaume-Uni,qu’elle aurait enfoui sous environ un mètre de sable et de boue ».
L’équipe a pu reconstituer l’événement grâce à l’analyse de plus de 300 échantillons de base, collectées lors de campagnes de recherche océanographique au cours des 40 dernières années, en combinaison avec des données sismiques et bathymétriques.
Dr Christoph Bottner, chercheur à l’Université d’Aarhus au Danemark, souligne l’importance de ces découvertes : « Nous estimons que le facteur de croissance est d’au moins 100, ce qui est bien plus élevé que pour les avalanches de neige ou les coulées de débris, qui ne croissent généralement que de 4 à 8 fois. Nous avons également observé cette croissance extrême dans des avalanches sous-marines plus petites mesurées ailleurs, ce qui nous fait penser qu’il pourrait agir d’un comportement spécifique aux avalanches sous-marines, que nous prévoyons d’étudier plus en détail ».
Le professeur Sebastian Krastel, responsable de la géophysique marine à l’université de Kiel en Allemagne, a souligné l’importance de ces résultats pour évaluer les risques géodésiques pour les infrastructures critiques.
La recherche remet en question les hypothèses précédentes selon lesquelles seuls les grands échecs de pente pourraient conduire à des avalanches géantes, révélant que même de petits événements initiaux peuvent se transformer en catastrophes puissantes et étendues.
Les résultats de cette étude changent radicalement notre compréhension de ces phénomènes, auparavant considérés comme provenant uniquement de grands effondrements de pente.
Désormais, nous savons qu’ils peuvent commencer modestement et se transformer en événements d’une ampleur gigantesque, posant ainsi un défi supplémentaire pour l’évaluation des risques pour les infrastructures vitales installées sur le fond océanique.
Outre l’intérêt scientifique, les études sur les avalanches sous-marines revêtent un caractère important dans la mesure où elles permettront de mieux comprendre les risques qu’y sont liés. Ces découvertes sont d’une importance énorme pour évaluer leur potentiel de risque géologique pour les infrastructures du fond marin.
Étant donné les connaissances actuelles et les ressources disponibles, actuellement il n’est pas encore possible de développer une méthodologie exhaustive pour évaluer les risques liés à ces phénomènes, en raison de la complexité des interactions entre les différents facteurs en jeu (activité sismique, présence de gaz, etc.). Néanmoins, les recherches en cours visent à combler ce manque.
Source : Un glissement sous-marin vieux de 60.000 ans découvert au large de la côte d’Agadir – Telquel.ma & Marine Regions · Agadir Canyon (Canyon(s)) & Ce que révèle une avalanche sous-marine «dévastatrice» survenue il y a 60 000 ans au large du Maroc – Le Desk & Avalanches sous-marines – Geo-Ocean